La fracture territoriale

Par Pascal Buchet

La période électorale est un moment privilégié pour le débat politique où les inégalités de toute sorte sont pointées du doigt par les candidats. Lors de l'élection présidentielle de 1995, le thème de la " fracture sociale " a été le slogan phare mais vite oublié par l'actuel locataire de l'Elysée. Elle reste d'actualité mais ne peut résumer à elle seule l'ensemble des inégalités en France. Il en est une autre, plus sournoise, moins visible par les citoyens mais tout aussi importante : il s'agit de la fracture territoriale.

Les inégalités géographiques du marché du travail et de l'emploi précaire, de l'insécurité, de la santé jusqu'à la fracture numérique illustrent cette fracture territoriale. Elle se caractérise aussi par d'énormes inégalités de ressources entre les collectivités territoriales qui s'ajoutent aux disparités criantes de charges liées à la population très inégalement répartie entre les territoires. Les différences régionales ou départementales sont évidentes mais c'est l'échelon communal qui en est la meilleure illustration.

Un récent rapport du Commissariat général du plan (1) souligne ces inégalités trop longtemps absentes du discours politique et permet de mieux les qualifier : " les disparités de ressources fiscales entre les communes proviennent pour l'essentiel des prélèvements sur les entreprises (constituées de la taxe professionnelle et de la taxe foncière sur les propriétés bâties industrielles et commerciales). " Ces inégalités de " richesse fiscale " sont sans équivalent en Europe. " L'inégalité de la répartition des populations entre communes est une deuxième source d'écarts du fait des charges induites par cette population sur les dépenses de services collectifs de proximité. " Ses auteurs concluent à l'insuffisance des effets redistributifs des dotations de l'Etat et soulignent la nécessité de renforcer la péréquation des ressources entre les communes. Une autre étude menée par l'IAURIF (2) vient confirmer que cette fracture territoriale se retrouve aussi au sein de l'Ile de France malgré l'importance de sa " richesse " comparée aux autre régions françaises.

Une étude personnelle démontre qu'il en est de même pour le département des Hauts-de-Seine considéré globalement pour être " le plus riche de France " après Paris. Bordant la Capitale sur tout son versant ouest, ce département - terre de tous les contrastes - est composé de 36 communes où vivent plus de 1,4 millions d'habitants.

Les inégalités de bases de taxe professionnelle par habitant dans les Hauts-de-Seine sont impressionnantes. Elles varient de 1 à 81. (voir graphique1)

Parmi les indicateurs de charges liées par la population, les taux de logements sociaux ont été analysés parmi les 36 communes des Hauts-de-Seine.
Les disparités y sont aussi énormes, elles varient de 1 à 28. (voir graphique2)

Le croisement de ces deux disparités permet de démontrer l'absence de lien entre les inégalités de ressources (bases de TP) et les inégalités de charges (pourcentage de logements sociaux).
Les inégalités de ressources entraînent des inégalités de taxe d'habitation payée par les habitants. L'écart de taxe d'habitation est de 557 F par habitant et par an (85 Euros).
Les inégalités de ressources entraînent surtout de fortes inégalités de services rendus à la population appréciés par le niveau de dépense en fonctionnement par habitant. L'écart des dépenses de fonctionnent est de 9602 F par habitant et par an (1464 Euros).

Moins une commune dispose de ressources liées à la taxe professionnelle, plus elle doit augmenter la pression fiscale sur les entreprises et sur les habitants.
Et plus une commune comporte de logements sociaux, plus elle doit augmenter la pression fiscale sur les entreprises et sur les habitants .

Les 36 communes des Hauts-de-Seine peuvent être réparties en fonction de leur base de TP et de leur taux de logements sociaux.(voir graphique3)


Il devient alors possible de déterminer quatre groupes de communes en fonction de leurs ressources (bases de TP) et de leurs charges (taux de logements sociaux)
En reprenant le graphique précédent on a :
Beaucoup d'argent
Peu de charges
Beaucoup d'argent,
Beaucoup de charges
Peu d'argent,
Peu de charges
Peu d'argent
Beaucoup de charges
 
 
CONCLUSION : Selon ce modèle, la fracture territoriale peut être réduite par une péréquation de solidarité du groupe de communes disposant de beaucoup de ressources et peu de charges vers le groupe de communes disposant de peu de ressources et de beaucoup de charges.
 

(1) " Effets redistributifs des dotations de l'Etat aux communes ". Etude réalisée par Guy Gilbert, Professeur à l'université Paris X Nanterre, et Aain Guengant, Directeur de recherche CNRS à l'université de Rennes I
Commissariat général du plan - Expertises N° 63 - Janvier 2002.
(2) " Disparités de richesse fiscale, dotations d'Etat et service rendu aux habitants "
Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région d'Ile de France (IAURIF)
Notes rapides sur les finances locales - N° 287 - N° 17 - Décembre 2001.

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* Pascal BUCHET est Maire de Fontenay-aux-Roses et Président du groupe socialiste au Conseil général des Hauts-de-Seine. Membre du Comité des Finances Locales et du Comité Directeur de l'Association des Maires de France, il milite pour une réforme en profondeur de la fiscalité locale, pour une taxe d'habitation juste et pour la péréquation de la taxe professionnelle, taxe qu'il qualifie de " plus grande inégalité cachée aux Français ".

Contact :
P.BUCHET, Mairie, 75 rue Boucicaut - 92260 Fontenay-aux-Roses
Tél : 01.41.13.20.27 Fax 01.41.13.20.29
e-mail : pbuchet@mairie-fontenayauxroses.fr
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